Quelle retraite pour les administrateurs de l'INSEE ? Alain Jacquot, INSEE (tel : 01 41 17 54 92)

 

Un éclairage à partir de cas-types

     Les taux de remplacement comparés des régimes de retraite du public et du privé sont au cœur du débat sur la réforme des régimes spéciaux de retraite. Il est parfois avancé l’idée que le régime de retraite de la Fonction Publique serait excessivement généreux. L’objet de cette note est d’évaluer la pertinence de cette assertion dans le cas particulier du corps des administrateurs de l’INSEE. Nous montrons ici que la retraite dont bénéficient les Administrateurs INSEE lorsqu’ils cessent leur activité est très inférieure à celle dont ils bénéficieraient pour une carrière identique (même rémunération tout au long de la vie active) dans le secteur privé. Selon toute vraisemblance, on aboutirait à une conclusion analogue pour les autres grands corps techniques de l’Etat, où une fraction importante de la rémunération est versée sous forme de primes.

     Nous raisonnons à partir de cas-types : nous comparons le montant de pension auquel des administrateurs ont ou auront droit lorsqu’ils liquideront leur retraite (en application du code des pensions civiles et militaires), à celui auquel ils auraient droit si, tout au long de leur carrière, leurs droits à la retraite étaient calculés en appliquant les règles en vigueur dans le régime général : retraite CNAV de base pour la fraction de rémunération (traitement indiciaire + primes) inférieure au plafond de la sécurité sociale, et retraites complémentaires ARRCO et AGIRC. Ces calculs sont menés pour différentes générations d’administrateurs et pour divers profils de carrière. Il sont calculés sous deux jeux d’hypothèses en matière d’âge de départ à la retraite : départ à 65 ans d’une part, et départ lorsque le bénéficiaire remplit les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein d’autre part.

     A titre indicatif, on a aussi calculé le montant de pension qui résulterait de la mise en œuvre de la proposition du Groupe des Associations de la Haute Fonction Publique (G16), auquel adhère le Snadige. Celle-ci consiste à créer - en contrepartie de l’allongement à 40 ans de la durée de cotisation nécessaire pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein et d’un alignement du taux de cotisation salarié sur celui du privé - un régime complémentaire obligatoire, pour la fraction de rémunération qui est versée sous forme de primes.

     Il s’agirait d’un régime par points qui fonctionnerait selon des modalités analogues aux régimes ARRCO et AGIRC et qui serait abondé par l’Etat-employeur. A la mise en place de ce régime complémentaire, les agents auraient la faculté de racheter les points correspondant à la partie écoulée de leur carrière. Pour les besoins du calcul, nous avons supposé que la mise en place de ce régime interviendrait au 1er janvier 2004. Les taux de cotisations salariales et employeurs, le prix d’achat du point et la valeur du point seraient ceux de l’AGIRC (cf. tableau 1 pour les valeurs de ces paramètres en 2002). L’Etat-employeur prendrait ainsi à sa charge 10/16è (soit 62,5 %) des cotisations. Les taux de cotisations salariales seraient constants à l’avenir, tandis que la valeur du point et le prix d’achat du point sont supposés évoluer au rythme de l’inflation. Au 1er janvier 2004, nous avons supposé que le rachat des points au titre des années antérieures s’opérerait sur la base du prix du point AGIRC à cette date.

     Les résultats de ces calculs figurent dans les tableaux 2 ci-dessous. Hors avantages familiaux et hormis le cas de départs vers le privé, le régime spécial de la fonction publique procure des taux de remplacement compris entre 43 et 46 %, selon le profil de carrière (pour une même rémunération brute tout au long de la carrière), que le départ en retraite intervienne à l’âge de 65 ans, ou qu’il intervienne dès que le bénéficiaire remplit les conditions pour percevoir une pension à taux plein. Ces taux de remplacement sont très nettement inférieurs à ceux du régime général dans le cas d’un départ à 65 ans, et presque systématiquement inférieurs à ceux procurés par le régime général dans le cas d’un départ dès que sont réunies les conditions pour l’obtention d’une pension à taux plein.

     Ces résultats sont valables non seulement pour les générations les plus anciennes, mais aussi (quoique dans une moindre mesure) pour les générations les plus récentes, qui dans le privé, subissent pourtant le plus durement les effets de la réforme de 1993 [1]. Les seuls  perdants en cas d’application des règles du privé seraient les administrateurs des plus jeunes générations qui seraient entrés ou entreraient dans le corps à un âge plus élevé que la moyenne, c’est à dire par concours interne ou par recrutement au choix, et qui partiraient en retraite dès qu’ils rempliraient les conditions pour bénéficier d’une pension à taux plein.

     La proposition du G16, que nous avons étudiée dans le seul cas où le départ en retraite intervient lorsque sont remplies les conditions pour l’obtention du taux-plein, aboutirait quant à elle à des taux de remplacement nettement supérieurs à ceux obtenus en appliquant les règles en vigueur à présent (dans la Fonction Publique), mais au prix bien sûr de cotisations plus élevées (prises en charge en partie par l’Etat-employeur). Le régime complémentaire permettrait d’accroître d’une quinzaine de points environ le taux de remplacement, quelque soit le profil de carrière, à l’exception des administrateurs nommés au choix, pour lesquels l’accroissement du taux de remplacement serait plus faible.

     Avec la proposition G16, les taux de remplacement ici calculés diffèrent très peu d’une génération à l’autre. Mais ce résultat est sensible à l’hypothèse retenue de stabilité du rapport entre prix d’achat du point et valeur du point. Si ce rapport devait connaître entre 2003 et 2040 un accroissement de la même ampleur que celui constaté entre 1965 et 2002 (graphique 1), les administrateurs des générations récentes obtiendraient avec la proposition G16 des taux de remplacement plus faibles que leurs aînés, parce que la retraite serait plus faible à taux de cotisations (salariales et employeurs) inchangés. En comparaison du scénario où le rapport entre prix d’achat du point et valeur du point serait stable, la perte de retraite, au moment du départ en retraite, en termes mensuels, pourrait atteindre 350 € pour un administrateur né en 1975 pour certains profils de carrière.

 

[1] La réforme des retraites du régime général de 1993 a porté progressivement à 160 le nombre de trimestres d’affiliation nécessaires pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein, et fait progressivement porter sur les 25 meilleures années de rémunération le calcul du salaire de référence pour l’évaluation de la pension, au lieu de 10 années précédemment.

Cas-types

T1 - Principaux paramètres AGIRC

G1 - Rapport entre le prix d'achat et la valeur du point AGIRC

T2.1 - Cas-type 1 : passage IG à 50 ans

T2.2 - Cas-type 2 : passage HC mais pas de passage IG

T2.3 - Cas-type 3 : pas de passage HC

T2.4 - Cas-type 4 : accès par concours interne

T2.5 - Cas-type 5 : accès par recrutement au choix

T2.6 - Cas-type 6 : variantes sur le nombre d'enfants

T2.7 - Cas-type 7 : départ vers le privé et retour éventuel FP

A1 - Annexe 1 : principales dispositions prises en compte dans les calculs

A2 - Annexe 2 : hypothèses pour les calculs

 

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